Vers des territoires inclusifs, sensibles et agiles
La quête de l’égalité à prendre place dans l’espace public, autorisant chacune et chacun à gagner en légitimité, en autonomie, en liberté, passe par un changement de paradigme. Utopique en effet de se projeter et de construire le monde de demain en perpétuant une vision de l’organisation sociale d’hier.
Nous proposons dès lors un changement de cadre qui permet pour nos identités comme pour la ville d’entamer une métamorphose.
Prenant le poids de l’histoire et du contexte en compte, changer la ville, implique de changer d’approche. Et pour dé-normer les comportements, il faut dé-normer la ville elle-même.
De même que nous revendiquons d’hybrider notre corps et notre pensée, d’être dans la « bousculade identitaire » chère au sociologue Sam Bourcier, il s’agit de revendiquer la complexité, l’hybridation pour et dans nos territoires.
Tou.te.s urbaines nous devons penser l’avenir de nos villes de façon inclusive, trouver les chemins pour réduire les inégalités spatiales, nous atteler collectivement à bousculer la ville des riches contre la ville des pauvres, les fermetures. Considérer le droit à la ville et redéfinir la cité hospitalière, permettre l’accès pour tou.te.s à la vie urbaine et son idéal.
La ou « l’espace contribue à produire et à reproduire matériellement les différences et les dominations de sexes » comme le disent Cécile Gintrac et Matthieu Giroud, il faut déconstruire, s’approprier, expérimenter, comparer pour permettre aux villes de se redéployer dans une approche pluridimensionnelle.
Tou.te.s expertes en usages, il s’agit de nous mettre en quête de « fabriques d’espaces », véritables laboratoires d’aménagement favorisant l’émergence et la cohabitation de la diversité, du pluriel, du partage, de l’alliage, et aussi des contradictions. Laisser émerger des lieux permettant à nos identités de palpiter, de se multiplier, de se transformer, d’inclure. Car nous faisons le constat, partout où l’espace le permet déjà, dans certains parcs par exemple ou certains lieux d’expérimentations, friches, que cela donne lieu à des échanges plus fructueux, moins ordonnancés.
Frauen Werstadt Vienne Autriche
C’est penser diversité, plutôt qu’usages exclusifs. C’est privilégier la flexibilité et la polyvalence des lieux plutôt que de les figer dans des fonctions. C’est ménager plutôt qu’aménager, favoriser une fertilisation des rues et des espaces, travailler à du mobilier inclusif, à des mobilités renégociées.
L’agilité d’un espace c’est lui donner comme dessein d’être appropriable par tou.te.s.
C’est ainsi qu’au sein du Collectif Les MonumentalEs (Emma Blanc Paysage, ETC, Genre et Ville, Albert et Cie) nous avons collaboré, place du Panthéon et place de la Madeleine, à réaliser des espaces et du mobilier inclusif.
L’objectif étant de répondre aux besoins des usagerEs sur chacune des places, tout en offrant la possibilité de développer de nouvelles pratiques sur ces lieux et dans l’espace public en général.
Pour chacune des places, le mobilier et la configuration, autorisent de pratiquer la ville autrement, s’asseoir, manger, travailler, flâner, discuter, jouer, dormir, …
Le mobilier a été pensé pour offrir une diversité d’usage et aussi « d’assemblages ». SeulE ou à plusieurs, on peut à la fois, se faire face, ou se tourner le dos, être cote à cote, assisEs ou allongéEs, faire du théâtre, des activités ludiques ou sportives…
Place du Panthéon, l’installation du nouveau mobilier connait un succès franc, notamment auprès des étudiantEs qui pratiquent la place quotidiennement. Hiver comme été, nous avons pu constater un usage constant de la place, et une mixité totale.
Passer d’une inconfortable occupation au sol à une appropriation du mobilier
La multiplicité des possibles et la quasi omniprésence de publics variés créent des conditions pour développer un fort sentiment de sécurité et de bienveillance, permettant ainsi à des femmes d’occuper l’espace sans arrières pensées.
Comme pour les identités, l’urbanisme de demain doit créer les conditions de la flexibilité et de la pluralité, ce but semble atteint place du Panthéon.